Spiritualité : quand l’éveil nourrit le pouvoir et non l’humilité (partie 2)
Dans cette seconde partie sur les dérives de la spiritualité, l’amertume est de mise dans certains discours spirituels où l’ego, le pouvoir et le contrôle occupent une place prépondérante en lieu et place de l’humilité. J’aimerais mettre en lumière d’autres types de dérives que j’ai pu vivre ou qui m’ont été racontées, comme l’autorité absolue, l’ego spirituel et la peur utilisée comme levier de dépendance.
L’autorité absolue : quand le doute devient interdit
Dans la spiritualité, le doute est essentiel. Ne dit-on pas que le doute est une preuve d’intelligence ?
Il protège des illusions, il questionne, il permet de se rapprocher de la vérité, mais pour certains, il est source de faiblesse.
Certains formateurs se présentent comme des détenteurs de la vérité ultime. Leurs paroles sont mises sur un piédestal.
Ils affirment que si l’on ne les comprend pas, c’est qu’on n’est pas assez éveillé. Autrement dit, si l’on questionne, c’est qu’on est ignorant.
C’est toujours la faute de l’élève et non du formateur.
Inéluctablement, on glisse vers le gourouisme. L’élève n’est plus invité à chercher sa propre lumière, mais à suivre aveuglément celle du maître.
Toute contestation est perçue comme un signe de manque d’évolution.
Cette manière de faire entraîne la fabrication de disciples dociles, incapables de remettre en cause ce qu’on leur impose.
L’ego spirituel déguisé
Cette dérive est la plus ironique.
La spiritualité prône le dépassement de l’ego, le lâcher-prise, l’humilité de l’éveil.
En réalité, on entend parfois des phrases comme :
« Je vibre plus haut que toi »
ou encore
« Je suis dans une autre dimension de conscience »
ou
« Toi, tu es encore dans l’ancien monde. »
Cela révèle un narcissisme spirituel très prégnant.
L’éveil devient un trophée, une médaille, un signe de supériorité, ainsi qu’une identité sociale par laquelle on se positionne “au-dessus” pour se différencier et justifier une position d’autorité.
C’est là le paradoxe : la spiritualité instrumentalise l’absence d’ego tout en construisant, malheureusement, un ego spirituel hypertrophié.
L’éveil devrait rendre plus humble, plus simple, plus humain, mais pour certains, il devient un déguisement pour nourrir ce qu’ils disent vouloir dépasser : l’orgueil, la vanité, le besoin de dominer.
La peur comme outil de contrôle
Cette dérive me hérisse au plus haut point.
Des formateurs se permettent de dire des choses du genre :
« Si tu ne fais pas ce soin, tu risques d’attirer des entités. »
« Si tu n’es pas initié par mes soins, tu es en danger. »
« Si tu n’atteins pas un tel niveau, tu resteras bloqué dans tes vies futures. »
Ce sont des armes psychologiques qui instillent l’idée que l’élève ou le client est en danger permanent et que seul le maître peut le protéger.
Cette stratégie permet trois choses :
- Créer une peur invisible.
- Se présenter comme le seul capable de neutraliser ce danger.
- Cadenasser l’élève dans une dépendance durable.
La crainte s’installe à la place de la confiance. On enferme au lieu de libérer.
Les mécanismes de l’emprise psychologique
Ces trois dérives sont les rouages d’un mécanisme d’emprise extrêmement puissant.
Premièrement, l’autorité absolue entraîne l’élève à perdre son droit au doute.
Deuxièmement, l’ego spirituel permet au maître de se positionner comme un modèle inaccessible.
Et troisièmement, la peur amène l’élève à se sentir en danger s’il s’éloigne du maître.
Ainsi, l’élève se retrouve dans une prison invisible, dans laquelle il croit évoluer, mais en réalité il tourne en rond dans une cage fabriquée par des mots, des postures et des menaces voilées.
Les conséquences pour l’élève
Les conséquences qui en découlent sont très concrètes :
- Perte d’esprit critique : l’élève n’ose plus penser par lui-même.
- Anxiété permanente : l’élève apeur des entités, peur de “mal faire”, peur de décevoir.
- Dépendance affective : l’élève a besoin constant de l’approbation du maître.
- Identité fragilisée : l’élève se définit par rapport à un “niveau spirituel” jamais atteint.
Tout cela peut entraîner, chez certaines personnes, un anéantissement de la confiance et, dans certains cas, un rejet de toute spiritualité par traumatisme.
Le rôle d’un vrai enseignant/formateur
Un formateur qui se respecte ne diabolise pas le doute : il l’encourage.
Il ne se met pas sur un piédestal, il marche aux côtés de ses élèves.
Enfin, il n’installe pas une ambiance de peur, il enseigne la confiance.
Être formateur spirituel, c’est être un guide qui montre le chemin tout en rappelant à chacun qu’il porte déjà la lumière en lui — et non se poser en gardien d’une vérité absolue.
Conclusion
Toutes ces dérives me révoltent et trahissent l’essence même de ce que devrait être la spiritualité.
La spiritualité ne devrait pas être un outil de domination, mais un chemin vers plus de liberté, de responsabilité et d’amour.
Et si un jour vous vous retrouvez face à quelqu’un qui vous dit que vous n’êtes pas assez éveillé, pas au niveau, ou que vous êtes en danger si vous ne suivez pas son enseignement… fuyez, car l’éveil n’a pas besoin de menaces pour exister.